BABY BLUES

Je savais que ce phénomène existait mais je ne comprenais pas trop comment il allait se manifester.
S'il allait seulement se manifester, d'ailleurs.
Après tout, ça n'arrivait pas à toutes les femmes.
Mais très vite après l'accouchement, j'ai compris.

J'ai accouché le samedi 19 août.
C'est arrivé le lundi.
Je me suis surprise à pleurer en regardant Charline dormir, toute paisible.
Comme un grand mélange d'émotions qui se bousculaient en moi.
C'était d'abord la fatigue post-accouchement, la petite douleur de l'épisiotomie, le sentiment de fierté de l'avoir enfin auprès de moi, et le souvenir de comme on revient de loin, elle, moi et son papa.

Et puis, ces larmes qui coulaient le long de mes joues se transformaient parfois en larmes remplies de solitude, de craintes et de doutes.

Le vide de la chambre d'hôpital, que venaient remplir les visites de la famille*.
La solitude du plateau repas, mangé en solo face à la fenêtre, Charline à côté.
Le manque de mon copain qui devait travailler toute la journée et que je ne voyais revenir que tard le soir, combler nos nuits de sa présence si importante.

Mes craintes et mes doutes de voir ma mère devenir une grand-mère si naturellement, et de me demander comment je pourrais être pour Charline à la hauteur de ce qu'elle avait été avec mes frères et moi.

Pendant ces 4 jours passés à l'hôpital, j'ai pleuré pour ces raisons et bien d'autres encore.

Nous sommes rentrés le mercredi suivant.
J'avais si hâte de retrouver notre maison et nos repères !

Nos repères ?

À peine le pas de la porte franchi et le cosy transportant Charline posé au sol, j'ai senti comme un étourdissement.
Je nous revoyais, mon copain, moi et mon gros ventre enlacés dans le canapé, parlant des prénoms qu'on aimait bien.
Dans la cuisine, le matin, mangeant les croissants encore tièdes de la boulangerie d'à côté.
Dans la salle de bain quand je rigolais de voir la tête de mon copain sous sa mousse à raser.
Dans notre chambre, nous racontant les dernières histoires du village.
Et dans ce qui était la future chambre de Charline, entrain de monter à 23h son petit lit à barreaux et sa table à langer.

J'ai brutalement compris que ce petit cocon, ces souvenirs qui me revenaient en tête et qui ne dataient que de quelques jours, appartenaient désormais au passé et qu'il me faudrait faire le deuil de notre vie à 2.
Mes repères venaient de s'envoler en fumée.
Mes yeux se sont embués.

J'ai continué de pleurer les jours suivants.
De voir mes parents si heureux et légers alors que j'avais l'impression qu'un tsunami était entrain de me retourner toute entière.
De voir mon copain partir travailler quand j'aurais eu besoin de sa présence à chaque seconde pour me rassurer.
De voir des gens que je ne connaissais pas (la famille du côté de mon copain) défiler à la maison pour admirer Charline. Et devoir faire bonne figure quand je souhaitais seulement me rouler en boule sous les couvertures de mon lit en serrant Charline contre moi en répétant " Ça va aller ".
De regarder mes parents rentrer à Nantes, la gorge serrée.

Mon baby blues, ça a été tout ça.

Et puis, lors d'une visite, ma sage-femme m'a dit quelque chose que j'ai trouvé très beau.
" L'instinct maternel, ça n'existe pas vraiment.
Ce qui arrive en revanche, c'est que cet état de petite déprime que vous vivez a beau vous atteindre, pour autant vous continuez à répondre aux besoins de votre bébé.
Vous lui donnez la priorité sur votre fatigue, vos douleurs et vos larmes.
Et c'est votre rôle de mère que vous accomplissez.
Voilà comment vous créez lien maternel. "

2 jours plus tard, un matin, je me suis réveillée seule.
Sans baby blues.
Juste avec Charline et mon copain.

*PS : si j'ai un conseil à vous donner, limitez drastiquement les visites à l'hôpital. Ça rajoute beaucoup à la fatigue et ça accentue encore plus, selon mon expérience, le baby blues car on se retrouve sollicité de toutes parts sans trouver de temps pour se reposer ni s'approprier ce nouveau statut et rôle de maman.

PS 1 : le baby blues ne dure pas dans le temps malgré l'impression inverse qu'il donne. Le mien a duré une dizaine de jours. Si de la déprime persiste, n'hésitez pas à en parler autour de vous pour trouver du soutien.

Commentaires

  1. C'est hyper vrai ce que t'a dit la sage femme, et elle a senti que tu avais juste besoin d'entendre ça pour que ton blues passe... elle déchire ! J'ai pas eu ce passage un peu triste après l'accouchement... je ne sais pas si ça pourrait encore me tomber dessus... mais je me souviendrai de ces mots, si c'est ça ! Je t'embrasse

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    1. Il me semble que le baby blues se déclenche vraiment le 3ème jour après l'accouchement. Par contre je crois que c'est la dépression post-partum qui elle peut arriver même plusieurs mois après... À vérifier ceci dit !
      En tout cas, tant mieux si tu n'as pas connu ça, c'est pas très rigolo.
      Bisous et on se tient au courant :D

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  2. Super article, comme d'habitude.
    Ça fait du bien de lire des choses sincères.
    Ta sage-femme a été superbe en te disant ces mots.

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    1. Merci :) J'espère que ça pourra t'aider si jamais tu vis aussi ce petit passage après l'accouchement <3

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  3. Bien résumé et bien écrit ;-) Moi j'y ai échappé et tu as raison, je pense que c'est en partie car j'ai accouché à l'étranger : nous n'avons donc pas reçu de visite à la maternité et c'était parfait pour se rendre compte qu'on était bel et bien devenus une famille ! Les proches sont venus une semaine après, c'était suffisant.
    J'ai quand même eu un coup de blues le matin suivant la première nuit chez nous : C. voulait têter en permanence et se réveillait seul avec ses réflexes de Moro. Super dur, je me suis dit "haaaan, c'est ça, un bébé ? " :D On a appelé mes parents, recevoir des conseils et un soutien inconditionnel ça fait du bien. Un petit mantra utile dans ces moments, "tout passe". Bonne journée à toi et à ta famille !

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    1. Haha le " haaan c'est ça un bébé ? " c'est tellement la même réaction que j'ai eue^^ En même temps on nous vend tellement la maternité comme du rêve que la réalité paraît trop bizarre du coup hahaha :')
      Contente pour toi que tu n'aies pas eu toutes ces visites et que tu l'aise mieux vécu du coup.
      Perso je voulais restreindre les visites à la famille très proche mais évidemment certaines personnes décidaient de venir sans penser qu'ils pouvaient déranger. Même si ça partait d'une bonne intention de leur part je n'ai pas apprécié :/ mais bon, dans ce cas là tu ne vas pas les mettre à la porte (je suis si civilisée !) et donc tu entretiens la conversation qui se compose quasi exclusivement de cris d'extase :')

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